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Language

French (1)


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2003 (1)

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Entretiens et conférences
Authors: --- --- ---
ISBN: 2910686396 291068640X 9782910686390 Year: 2003

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Abstract

Le 1er septembre 1965, Les Choses, premier ouvrage de Georges Perec, sort en librairie ; le même jour, sous la plume de Jean-Claude Brisville, on peut lire dans Le Nouvel Observateur : « En nous décrivant [Jérôme et Sylvie] dans un style découragé qui s'accorde admirablement à la tristesse du sujet, il se peut que Georges Perec, jeune romancier de trente ans, ait écrit un des livres les plus cruellement révélateurs de notre époque désoeuvrée » (« Un couple dans le vent », 1er - 7 septembre 1965). Et de fait, public et critique s'accordent vite à reconnaître dans l'ouvrage une photographie fidèle de ce qu'on appelle alors depuis peu « société de consommation ». Dès le 6 octobre, Perec est interviewé par Pierre Desgraupes dans la célèbre émission télévisée Lectures pour tous. Ce même mois d'octobre, Julliard procède à un nouveau tirage de deux mille exemplaires, bientôt suivi de deux autres. En dépit d'un lancement modeste, sans tapage, le livre « prend » et fait figure d'événement. Dans son numéro du 11 octobre, sous le titre « L'argent peut faire le bonheur », Le Nouveau Candide publie de très larges extraits du roman ainsi présenté : « Un ton original, une forme neuve de récit, un art de progresser doucement et presque souterrainement dans la pensée des personnages, tels sont les mérites de ce livre écrit par un jeune inconnu, et qui est déjà la sensation de la rentrée littéraire ». Les semaines suivantes, le succès se confirme et le roman suscite plus d'une quinzaine de comptes rendus, fort circonstanciés parfois, et presque tous bienveillants. Le 9 novembre, Perec donne un second entretien télévisé dans une émission de la collection Lire. Cette reconnaissance rapide et presque unanime ne va pas cependant sans son lot de malentendus. En premier lieu, lorsqu'il s'agit de classer cette « histoire des années soixante » : « Roman ? Non. Témoignage sociologique intéressant plutôt qu'oeuvre de création littéraire » lit-on dans L'Express (27 septembre - 3 octobre). François Nourissier s'interroge à son tour et conclut en termes semblables : « Littérature à l'état naissant ? Document sociologique ? Témoignage à peine (et parfois maladroitement) élaboré ? C'est tout cela à la fois. Il est sage et plus excitant de considérer Les Choses comme source de réflexions, non comme oeuvre d'art » (« Les habitants d'hier », Le Nouvel Observateur, 6 - 12 octobre 1965). Ou encore, parmi d'autres, Christine Arnothy, tout aussi péremptoire, qui affirme: « l'oeuvre n'a rien à voir avec un roman », c'est « un document de sociologue littéraire » (Le Parisien libéré, 12 octobre 1965). Certains sont plus nuancés. Ainsi Raymond Jean par exemple, qui se souvient à bon escient que l'écrivain « a réfléchi aux problèmes du roman contemporain », comme en témoignent « quelques articles fort lucides qu'il a publiés (notamment dans la revue Partisans) », et qui relève dans Les Choses « un évident parti pris de concilier la description des choses (qui appartient à l'univers du roman) et l'enquête-témoignage (qui appartient à l'univers de la sociologie) ». Mais si « la qualité formelle, la tension littéraire, la richesse de langue de telle page de Flaubert » sont indéniables dans les premiers chapitres, on n'en glisse pas moins « de l'oeuvre littéraire au document », « embûche qui guette toute littérature reflet » (« Une histoire des années soixante", Le Monde, 16 octobre 1965). Le témoin, on le voit, finit par l'emporter sur le romancier. C'est aussi peu ou prou l'avis de Tristan Renaud pour qui l'attrait du livre réside dans « la construction d'un roman (mais le récit le plus pur et le plus efficace) à l'intérieur d'un véritable document sociologique » (« Les dépossédés », Les Lettres françaises, 18 - 24 novembre 1965). Quoi qu'il en soit de ces quelques concessions au savoir-faire de l'écrivain, c'est cette image de sociologue lucide qui, pour longtemps, prévaudra, et l'on verra Perec, promu de surcroît moraliste et contempteur du welfare capitalism, s'en expliquer souvent au fil des entretiens. En 1981, dans la postface qu'il donne à la réédition des Choses, Jacques Leenhardt observe justement que cette discussion autour d'« un roman non romanesque » tourna sous la plume des critiques « de l'analyse littéraire au débat d'idées sur la société contemporaine », pour déboucher « sur une critique axiologique dont le thème récurrent est alternativement bonheur ou bien-être ». Force est alors de constater que la littérature est la grande oubliée de la discussion; là encore, invoquant à l'envi sa dette envers Flaubert et une conception citationnelle de l'écriture, Perec va tenter de recentrer Les Choses. "Mon livre est parti d'une colère, puis la colère a cédé la place à la réflexion. Mon roman, enfin, est une tentative de description critique. Il y a une tension entre la poussée lyrique et la volonté d'analyse, mais je crois que cette tension est créatrice." (Les Lettres françaises.)

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