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Ce livre, qui est actuellement publié dans sa neuvième édition, n'est pas un ouvrage didactique, mais un livre qui s'adresse au vécu dans le plein sens du terme : à la pratique en privé de la culture comme aux interrogations d'ordre général. Le style de sa systématique réside dans cette disposition et dans la manière dont il développe sa matière. Rien de ce qui est humain ne lui est étranger; la religion, les sciences de la nature, l'économie politique, il entend répondre à toutes leurs préoccupations et faire droit à leurs réussites. On n'y rencontre nulle part le langage spécialisé de l'enseignement bien que son auteur possédât la technique de la logique comme un maître traditionnel. Et toutes ces questions seront analysées à la lumière de l'histoire. L'esprit historien commande l'ensemble non pas seulement dans l'intérêt d'une histoire de la philosophie, voire des disciplines du savoir, mais dans la perspective, presque menaçante pour le philosophe, d'une tendance à trouver l'articulation avec le donné de l'époque. Le danger de cette inclination disparaît si ce donné est ce qui fut créateur au cours de l'histoire. La personnalité de Lange, ouverte à l'universel, unifie les oppositions qui se combattent et se limitent au sein des institutions culturelles. Animé d'un tempérament libre de moraliste, il sait unir la sympathie pour la religion au sein de laquelle il est né et la perspicacité quant à ses origines au coeur des convulsions historiques ; et, à la vision prophétique d'un esprit cosmopolitique, il allie le sens de la famille propre à un patriote. Ce fut à une faveur particulière de l'époque que ce livre doit d'avoir vu le jour dans les années où le libéralisme intervint avec enthousiasme pour le droit comme fondement de l'État, et en faveur de l'État de droit. Le sens de l'équité est également le présupposé d'une typologie historique de grande envergure des conceptions du monde comme celle que cet ouvrage a développée. Et ce doit être une consolation que, même après les années de guerre, en des temps qu'on ne peut pas directement qualifier de pacifiques, un tel ouvrage ait pu faire valoir son importance. Il subsiste, en effet, quelques vestiges d'une population archaïque de rêveurs qui sans doute ont encore malgré tout une mission au sein de la philosophie de la réalité de l'ère nouvelle dans son travail théorique comme dans ses convictions pratiques. Et puisque l'éditeur m'a fait part de son voeu pressant de me voir assumer la responsabilité d'un prolongement de l'oeuvre, j'ai voulu témoigner, ne serait-ce qu'à travers un exposé d'expression personnelle, du fait que, chez ceux qui furent liés à l'auteur défunt, sa foi ne s'est pas éteinte, et que, au contraire, l'assurance s'est maintenue que l'idéal de la germanité n'a en rien été déterminé par ces vingt années aussi glorieuses qu'elles fussent. Mais cet essai doit également témoigner de la confiance dans le fait que l'on n'a rien à craindre des forces obscures qui, de nos jours et dans tous les domaines de notre culture nationale, veulent déshonorer la gloire du nom allemand, qui redoutent, haïssent et persécutent le monde idéal germanique. Les signes se multiplient que l'on traque de nouveau les fantômes qu'un historisme national perverti et fourvoyé avait reconnus et tolérés à titre de mânes autochtones. Lorsque ces passions fausses, sournoises, affaiblissant le coeur et l'esprit du peuple, seront à nouveau tenues en lisière dans l'Église, l'État et la société, le génie du peuple allemand, l'amour de la philosophie, de la vraie philosophie alliée de la science et de l'art, se réveillera et guidera le travail culturel allemand dans toutes les voies qu'il empruntera.C'est ainsi que s'achevait la première version de cette introduction (en 1896). Lors de la deuxième édition, augmentée, il a paru opportun de placer l'introduction à la fin du premier volume afin qu'elle commandât un regard rétrospectif sur l'Antiquité et les Temps Modernes en même temps qu'elle préparait l'époque contemporaine qui commence avec Kant. On a ainsi maintenu les liens de la philosophie spécialisée avec les problèmes généraux de la culture, et l'assurance d'une victoire progressive, mais certaine, de la bonne cause n'a pas été ébranlée.

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Dans cet essai consacré à Rousseau, Cassirer met en lumière le paradoxe central de la pensée du philosophe genevois : " Comment le mal et le péché peuvent-ils être imputés à la nature humaine, si celle-ci, dans sa constitution primitive est libre de tout mal, de tout péché, s'il n'y a pas eu de corruption radicale ? " Une analyse rigoureuse des textes, nourrie par une grande érudition, lui permet de développer cette interrogation en montrant comment, chez Rousseau, la nature sociale de l'homme est ce qui rend compte tant du mal que d'une possibilité de salut qui se situe dans l'horizon du politique. Rousseau est ainsi bien le grand précurseur de notre modernité, qui fait de l'ordre politique et moral un ordre autonome. La préface de Jean Starobinski souligne l'étonnante modernité de cette lecture, qui fait de Rousseau le plus moderne des penseurs des Lumières.

Rousseau, Jean-Jacques, --- Critique et interprétation.