TY - VIDEO ID - 133581551 TI - Murina AU - Alamat Kusijanovic, Antoneta AU - Graziano, Frank AU - Gold, Zdenka AU - Pek, Danijel AU - Teixeira, Rodrigo AU - Galpérine, Evgueni AU - Galpérine, Sacha AU - Sweet, Jeremy PY - 2022 PB - [France] : KMBO, DB - UniCat UR - https://www.unicat.be/uniCat?func=search&query=sysid:133581551 AB - Sur l’île croate où elle vit, Julija souffre de l’autorité excessive de son père. Le réconfort, elle le trouve au contact de sa mère et de la mer, un refuge dont elle explore les richesses. L’arrivée d’un riche ami de son père exacerbe les tensions au sein de la famille. Julija réussira-t-elle à gagner sa liberté?... Le premier film d’Antoneta Alamat Kusijanović, lauréate de la dernière Caméra d’or (2022), adopte des contours épurés affichant une certaine simplicité. Une île croate, où seuls bataillent le bleu méditerranéen et la grisaille de la roche, est le théâtre d’un affrontement entre quatre personnages archétypaux. Jjulia (Gracija Filipovic), fille de marin, est sous l’emprise d’un père tyrannique et d’une mère dont la beauté passée est rappelée par tous, et qui fait preuve d’une jalousie féroce à l’égard de son enfant. Lorsque débarque sur l’île un riche et séducteur ami de la famille, les désirs s’entrechoquent: plus le père, ambitieux, cherche à plaire à son invité, plus l’attirance des deux femmes pour cet homme fortuné grandit. Alors que ce dernier s’efforce de séduire Jjulia, la mère jalouse se détourne de son mari qui reporte sa colère sur sa fille, et ainsi de suite… La jeune cinéaste dessine de la sorte avec beaucoup de précision la circulation du désir entre les personnages, au risque de trop souligner l’armature du récit. En témoigne cette séquence éloquente qui met en scène un jeu aquatique où les deux femmes, chacune hissée sur les épaules des deux hommes, cherchent à se faire tomber dans l’eau. Pour échapper à ce cercle infernal qui la condamne à un rôle de bouc émissaire, Jjulia substitue à ce jeu mimétique un autre, celui qu’elle entretient avec la nature sous-marine; chasseuse de murènes, la jeune fille en vient à se confondre parfaitement avec la silhouette de ce poisson prêt à s’automutiler pour échapper au danger. Un horizon pour le moins singulier s’offre à elle: c’est en se transformant explicitement en animal des profondeurs aquatiques (en « murina ») que Jjulia échappe à l’enfer machiste qui régit la surface. Le récit emprunte ainsi un chemin qui, du mimétisme comportemental régissant les passions humaines (sur terre), nous mène aux sources libératrices (sous la mer) du concept aristotélicien de mimèsis – c’est-à-dire cette propension de l’humain à savoir imiter le réel et la nature dans le cadre d’une création poétique. Sous l’eau, comme l’illustrent les séquences oniriques de plongée, Jjulia devient une figure poétique qui jouit d’une force égale à celle de ses tourmenteurs. Certes, ce cadre allégorique rend le film parfois un peu trop démonstratif dans sa manière d’explorer le thème de l’émancipation féminine. La société patriarcale est représentée, un peu grossièrement, à travers une opposition des corps: par exemple, la beauté manifeste des deux femmes contraste avec la bedaine disgracieuse des deux mâles, avatars d’un machisme malade. Il faut toutefois reconnaître que la jeune cinéaste parvient à distiller un certain trouble lorsqu’elle accentue, par la mise en scène, la beauté magnétique de la figure principale. Jjulia, que la cinéaste confine d’abord dans des cadres soulignant ses formes (comme une proie prise au piège des images), révèle peu à peu toute la puissance destructrice de son charme. L’érotisme surgit à mesure que sa beauté devient une arme et que sa dangerosité, que l’on ne soupçonnait pas, imprègne le film. La murina se fait alors medusa, et la cinéaste de dessiner un horizon enthousiasmant pour son cinéma en gestation: l’éclosion d’une sensualité. ER -